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Gilles Clément
Texte d’introduction des rencontres autour de Gilles Clément
Abbaye et Fondation de Royaumont
Du 29 et 30 juin 2018
Génie naturel ! Génie humain ?
Le Génie des lieux, ou l’esprit des lieux (le Tayori japonais), vient de la configuration du site, son exposition aux vents et à la lumière, son orientation. Parmi les différentes offres d’excavations géantes du relief karstique des gorges de l’Ardèche, les contemporains de la Grotte Chauvet ont choisi le lieu à partir duquel on perçoit le Pont d’Arc dans toute sa splendeur au-dessus de la rivière. Ils ont choisi le génie des lieux. Celui-ci n’existe pas sans la perception sensible de l’interprète des lieux.
Le Génie humain s’exerce par une activation de l’imaginaire dont les élans de créativité conduisent aux prouesses de la pensée, aux exploits de la raison, aux performances technologiques, aux subversions positives de l’art. Le génie humain prend toute sa dimension dans l’exercice du « projet ».
Le niveau de conscience du génie des lieux par le génie humain détermine la force et la portée du projet.
Le rapport entre l’Homme et son habitat est ce qui relie ces deux « génies » en faisant apparaître tantôt le désir de fusion, tantôt la volonté de séparation. Ces deux génies fonctionnent ensemble, on ne peut séparer la condition humaine du contexte dans lequel elle trouve son existence.
À cela il faut ajouter un troisième génie : celui du vivant non humain. Le Génie Naturel se tient en marge des deux précédents. Il existe par les conditions mêmes du vivant : nécessaire résistance aux aléas du temps, mise au point des stratégies de résilience au cours de l’évolution.
Nous vivons une époque où l’humanité découvre qu’en appartenant à l’écosystème planétaire elle dépend du Génie Naturel et qu’elle ne peut s’exclure de la nature sans prendre le risque du suicide par ignorance. Elle vient juste d’arriver sur la planète, les plantes et les animaux étaient là avant, ils ont des choses à dire.
Gilles Clément
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